SOUVENIRS, SOUVENIRS "COSI FAN TUTTE"
Il y a des soirs où l'on voudrait que le temps se fige.
Arrivés à L'opéra Garnier, nous laissâmes nos quant-à soi et nos humeurs au vestiaire de ce palais de marbre et d'or construit à la fin du XIXème siècle.
Nous prîmes le grand escalier majestueux, mon compagnon obligatoirement cravaté pour la circonstance et moi en robe de soirée, sans crinoline toutefois, pour rejoindre la salle de spectacle rouge et or. Nous rejoignîmes nos places au 4ème rang à l'orchestre et là, nous nous abandonnâmes dans un nuage de contemplation.
Bon, comment raconter ce qui se perçoit avant tout ?
C'était il y a une quinzaine d'années, ma mémoire forcément sélective a retenu certaines impressions.
Assise sur un fauteuil confortable rouge, je ne sais plus où donner de la tête. Entre les toilettes de ces dames et le cadre somptueux, mes yeux se perdent dans un océan de découvertes. Le lustre gigantesque ainsi que le plafond peint par Chagall participent à l'atmosphère de raffinement que je perçois.
Puis les lumières s'éteignent, le silence se fait, le chef d'orchestre apparaît, salue, se met en place et là, la grâce tombe sous forme de notes de musique. La délicate harmonie des gestes, des voix et de la musique m'enrobe d'une douce quiétude.
C'est Cosi Fan Tutte : extrait
A l'entracte, il fait bon parcourir les différents foyers décorés de peintures et de sculptures où des réceptions privées s'organisent. Je rencontre au bar un ancien copain du judo, lui était ceinture noire, moi jaune, j'éviterais donc l'ogoshi ma prise favorite, pour le saluer !
Puis il faut rejoindre son fauteuil assez vite, se délecter une fois encore de cette atmosphère, se fondre dans son fauteuil aux accoudoirs imposants qui matérialise cette délicate distance entre les êtres. Le chef d'orchestre revient comme prélude à un doux moment, et la musique reprend ses droits. J'ai toujours admiré les maestros ; en fait, ce que j'aime en eux c'est qu'ils sont passionnés, ils habitent leur partition et dirigent avec élégance l'orchestre. Je ne sais pas d'ailleurs s'il existe des chef d'orchestre femme.
Le final et les applaudissements retentissent, les fleurs valsent, je n'ai d'yeux que pour mon chef d'orchestre. Le rideau se baisse ; je quitte la magie d'un lieu rouge et or pour retrouver la magie d'un être en or.
C'était une soirée musicale de lumière, qui a mis en évidence le relief de ma sensibilité, pour retourner dans la pénombre d'une vie monotone.
Et c'est cela qui reste, le relief, la prescience du Beau.
F. Dard disait : "les souvenirs sont doux à qui les raconte. Chiants à qui les écoute"
Je me permettais juste à travers ce souvenir de véhiculer l'idée selon laquelle ce sont tous ces reliefs qui ponctuent notre vie, quelle qu'en soit la forme, la pimente, la nourrisse, la façonne pour créer une longue liste de souvenirs.
Chacun les siens. Au fait, c'est quoi les vôtres ?
Pour mes lecteurs puristes : Album avec Elisabeth Schwarzkopf, Nan Merriman, Graziella Sciutti, Lugi Alva, Rolando Panerai, Guido Cantelli