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12 septembre 2008

"LES ANNEES" D' A. ERNAUX PAR DANG

La rentrée des classes est faite, maintenant je ramasse les copies. Vous vous souvenez, dans ma grande mansuétude, j'avais proposé à qui voulait, de faire des devoirs de vacances. Certains commentateurs (la plupart non blogueur) ont répondu favorablement à cette proposition.(je n'ai pas encore toutes les copies...)

Ainsi, je vous laisse avec Dang, un complice du net depuis plus d'un an, qui a choisi ce livre d'Annie Ernaux "Les années". Merci Dang ! Thaïs

les_ann_es

Présentation de l'éditeur :

Au travers de photos et de souvenirs laissés par les événements, les mots et les choses, Annie Ernaux donne à ressentir le passage des années, de l'après-guerre à aujourd'hui. En même temps, elle inscrit l'existence dans une forme nouvelle d'autobiographie, impersonnelle et collective.

J’aime bien Annie Ernaux, ce qui ne laisse pas d’intriguer mes amis. Cet écrivain gauchiste, impudique, favorable à l’avortement serait exactement mon contraire. Pourtant j’aime son style, ses phrases courtes et incisives. Surtout, elle a quelque chose à dire, ce qui est devenu rare dans la littérature contemporaine. Annie Ernaux se raconte au travers de ses livres, elle a tant à dire sur elle-même, sur ses efforts pour s’arracher à un milieu modeste, sur un père qu’elle haïssait, sur les scènes atroces entre ses parents, sur ses émois amoureux, ses avortements, sa liaison presque pornographique avec un diplomate russe. Qu’il s’agisse de « La Place », d’  « Une passion simple » ou d’autres titres, elle se raconte et c’est tant mieux pour le lecteur car sa vie, jusque dans sa banalité, est un roman.

Dans « Les années » elle recommence tout depuis le début. Ses lecteurs assidus pourraient avoir une impression de déjà lu. Pas du tout. Elle décrit avec un talent d’entomologiste la vie d’une enfant née pendant la guerre qui devient une femme, une épouse, une mère. C’est moins ce qu’elle nous dit d’elle qui retient l’attention que l’ambiance qu’elle décrit. Les lecteurs qui ont connu ces années-là retrouveront avec délectation les mots, les expressions, les paroles des chansons, les préoccupations, les distractions de l’époque. Les plus jeunes découvriront le monde de leurs parents ou grands-parents. Un monde inconnu d’eux et pourtant si proche.

Je prends au hasard la page 22, elle décrit la photo d’une petite fille prise en 1944 : « ventre proéminent, peut-être signe de rachitisme ». Je me précipite aussitôt sur mon propre album. Elle n’a pas menti, je trouve le même genre de photo, un petit garçon au ventre de rachitique. A la page suivante elle dit que les anciens n’arrêtaient pas de parler de l’hiver 42, de la faim, du rutabaga, de l’aurore boréale qui avait annoncé la guerre. Je comprends mieux la surprise des vieux quand on leur dit que les grands chefs mettent rutabaga et topinambours sur leurs cartes. Je comprends mieux pourquoi ma mère disait toujours en voyant une lueur exceptionnelle dans le ciel : « pourvu que ce ne soit pas signe de guerre ». Quand Annie Ernaux fait la moue devant son assiette on lui dit « tu ne serais pas aussi difficile si tu avais connu les privations de la guerre ». Chez moi c’était : « si tu avais connu une bonne guerre tu mangerais de tout ».

Ce livre est en fait une clef pour mieux comprendre les années d’hier et d’avant-hier. Les critiques ont préféré la première partie qui traite de l’après-guerre, jusqu’en 68. Je ne partage pas leurs réticences. A partir de 68 Annie Ernaux n’est plus sur la même longueur d’ondes que moi, mais au moins je saisis mieux cette évolution libertaire des intellectuels, évolution qui ne fut pas la mienne.

Ce livre se lit vite, très vite. On le repose non sans nostalgie en se disant que toutes ces années aussi ont passé vite. Elles appartiennent déjà aux historiens, aux sociologues, aux romanciers. Témoignage parmi d’autres ces « Années » seront précieuses pour ceux qui veulent s’imprégner d’un temps qu’ils n’ont pas connu.

DANG

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Commentaires
T
je ne peux pas dire que j'ai apprécié énormément ce livre (avec du recul) mais j'ai été heureuse de découvrir cet auteur grâce à Dang. Je voulais en lire un autre, ce que je n'ai pas encore fait. Merci de ta visite
S
J'aime beaucoup Annie Ernaux aussi, et elle me touche beaucoup.<br /> Ce roman "Les années est très construit et agit sur nous de manière incroyable. J'aime sa démarche d'écriture. ce livre est un de mes coups de coeur 2008.
T
Super te revoilà !<br /> Merci pour les titres !
D
@Lou : Merci d'avoir lu mon commentaire. J'avais bien aimé "La place" qui est pour moi son meilleur livre, et aussi "Une passion simple". Pour ce dernier titre il faut cependant que je mette en garde les âmes un peu mijorées ou sensibles. Annie Ernaux y dévoile avec l'impudeur qui la caractérise sa liaison adultère avec un diplomate russe. Elle ne cache rien de l'aspect presque pornographique d'une telle aventure ni bien sûr des souffrances que l'absence de l'être aimé procure, et du déchirement ressenti lors de la rupture.
L
Je reviendrai donc pour voir s'il a un titre à nous conseiller !:)
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